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L'IA Générative : vers une nouvelle forme de créativité ?

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29 Aug, 2025

Jérôme Béranger

CEO de GOODALGO

Chercheur (PhD) associé à l’INSERM 1027 – BIOETHICS – CERPOP – Université Toulouse 3

Expert IA é Ethique pour l’INSTITUT EUROPIA

Auteur de plusieurs ouvrages dont : « L’IA consciente n’est plus une utopie ! » (DBS, Mai 2024)



Longtemps perçue comme étant le propre de l’Homme – voire des dieux selon certaines traditions et croyances religieuses –, la créativité constitue une faculté et un privilège qui nous distinguent des autres formes de vie, façonnant l’art, la science et la culture. Elle est considérée comme une capacité à imaginer et à produire du nouveau, impliquant à la fois une intention, une sensibilité, une expérience, une intuition, une culture, et une connexion aux émotions. Jusqu’à maintenant réservée aux artistes, aux penseurs, aux scientifiques, et aux inventeurs, elle est aujourd’hui questionnée par l’émergence des Intelligences Artificielles Génératives (IAGén). Ces dernières semblent capables de produire des œuvres picturales, d’écrire des romans, de composer des mélodies, ou encore de réaliser des films, brouillant ainsi la frontière entre ce qui relève de l'humain et ce qui est le fruit d'un système algorithmique. Mais peut-on vraiment parler de créativité lorsqu'il s'agit d'un programme informatique ? L’IAGén peut-elle être créative ? Ou n’est-elle qu’un outil sophistiqué, amplifiant la créativité humaine sans jamais la remplacer ?

Créativité humaine et machine : des frontières floues

Jusqu’à récemment, la créativité reposait sur trois piliers fondamentaux : l’inspiration, l’intuition et l’expérimentation. Des artistes aux scientifiques, en passant par les designers et les chefs cuisiniers, l’innovation est née de tâtonnements, d’erreurs, d’une idée imprévisible, et surtout d’un regard personnel et singulier sur le monde. Ce processus est le résultat d’un cheminement personnel, de réflexions et d’expériences qui donnent du sens à la création. L’IAGén, en revanche, fonctionne différemment : elle apprend à partir de vastes ensembles de données, repère des motifs récurrents, reproduit des « patterns » qu’elle a appris, et génère du contenu en extrapolant ce qu’elle a analysé statistiquement. Peut-on alors parler de créativité ou s’agit-il simplement d’une capacité probabiliste avancée de synthèse et de combinaison ? Certains chercheurs affirment que l’IAGén n’a ni intention, ni ressentis, ni volonté, ni compréhension, et ni conscience de ses productions. Elle n’éprouve aucun doute, émerveillement, et spontanéité, mais des certitudes. Par définition, elle ne fait que réorganiser et combiner des éléments déjà existants. La créativité humaine repose, elle, sur un vécu, une subjectivité, une intention, une sensibilité, une pensée divergente, une prise de risque, et une volonté de transmettre une vision singulière et originale du monde.

Quand l’IAGén devient un catalyseur de création

Si l’IAGén ne possède pas d’étincelle, d’autonomie, et d’élan créatif propre, elle devient néanmoins un formidable outil d’exploration et de stimulation voire un catalyseur d’inspiration. Cet outil technologique amplifie et accélère le processus créatif, permettant de concrétiser et de formaliser, en un temps record, des idées. Dans tous les domaines artistiques et créatifs, des professionnels l’utilisent déjà pour accélérer et enrichir leur processus en repoussant les limites de leur imagination et d’explorer de nouvelles voies :

Dans la littérature et le journalisme : les écrivains s’appuient sur des IAGén pour générer des synopsis, des dialogues ou explorer des styles d’écriture inédits.

Dans l’art visuel et le design : des logiciels comme Midjourney et DALL·E

transforment via des prompts, des descriptions textuelles en images saisissantes, offrant une nouvelle manière d’expérimenter la composition et le style.

Dans la musique, des algorithmes créent des mélodies, adaptent des harmonies ou génèrent des samples que les compositeurs peuvent ensuite modeler et enrichir.

Dans le cinéma et l’animation, l’IAGén aide à la création de storyboards, à la retouche d’images, à l’animation 3D, et même à la synthétisation de voix et de performances d’acteurs.

Plutôt qu’une menace, l’IAGén peut être perçue comme un assistant puissant, permettant de libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. Elle rend la création plus accessible.

Les créateurs ne sont plus contraints par des aspects techniques ou logistiques, et peuvent se concentrer sur la conceptualisation et l’affinement de leurs idées.

Les défis et les limites d’une créativité artificielle

Toutefois, l’essor des IAGén posent des questions essentielles : la saturation du marché de l’art par des œuvres générées automatiquement risque-t-elle de dévaloriser la création humaine ?

Comment distinguer une œuvre authentique d’une production artificielle ? Faut-il considérer que l’IAGén constitue un artifice qui nuit à l’authenticité d’une œuvre ou, au contraire, qu’il s’agit d’un outil supplémentaire au service des créateurs qui l’approfondit ? Une utilisation systématique des IAGén dans le processus de créativité ne va-t-il pas entrainer un formatage systémique des créations en tout genre ? D’un point de vue éthique et juridique, les questions de droits d’auteur et de propriété intellectuelle sont majeures. Une image ou une chanson créée par une IAGén appartient-elle à son utilisateur, au développeur du logiciel ou à la base de données ayant servi à son apprentissage ? Ces zones d’ombre montrent que l’intégration de l’IAGén dans le domaine de la création artistique n’est pas sans défi et enjeu en tout genre.

Une créativité augmentée, mais non remplacée

Le débat sur la légitimité de la créativité de l’IAGén est loin d’être tranché. Une certitude absolue est que la technologie ne remplacera jamais le talent humain mais peut contribuer à le révéler et le faire exprimer. L’histoire de l’humanité nous a montré que chaque innovation a enrichi les langages et les courants artistiques, sans jamais en altérer l'âme. Loin d’anéantir la créativité humaine, l’IAGén en révèle plutôt une nouvelle facette, stimule l’inspiration humaine, et explore de nouvelles idées et perspectives. Elle fluidifie le processus créatif, élimine certaines tâches répétitives et propose des sources d’inspiration infinies. Elle transforme la manière dont nous concevons, explorons et produisons des œuvres. Elle agit comme un miroir des tendances artistiques et culturelles, permettant aux créateurs d’expérimenter des idées en un temps record.En définitive, l’IA n’est ni une concurrente ni une simple exécutante : elle est un partenaire de création. L’IAGén ne peut être créative sans l’humain qui insuffle une direction, un sens, et une vision, mais l’humain peut enrichir sa propre créativité grâce à l’IAGén. C’est une collaboration inédite qui s’installe, redéfinissant les frontières de l’art et de l’innovation. En nous donnant de nouveaux outils, l’IAGén nous invite à réinventer notre façon d’innover et d’exprimer notre singularité. 

Loin de menacer l’essence même de la créativité humaine, elle la nourrit, l’élargit et en révèle de nouvelles dimensions.

La véritable question n’est donc pas de savoir si l’IAGén peut être créative, mais comment nous pouvons, en tant qu’humains, utiliser cette technologie pour explorer de nouvelles formes d’expression et d’imagination ? Plutôt que de la craindre, ne serait-il pas plus pertinent de mieux la comprendre pour l’adopter avec discernement - de manière consciente et maîtrisée - comme un prolongement de notre propre génie créatif ?

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Jérôme Beranger

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