IA & HORIZONS - La Newsletter de l'Institut-EuropIA. N°4- Avril 2025

par Chiara Sottocorona – 

Expert en IA et Médias de l’Institut-EuropIA

Édito 

       Géopolitique de l’IA, quelle place pour l’Europe ? 

Le marché de l’IA générative devrait connaître une croissance exponentielle selon les prévisions du cabinet Sopra Steria Next (entreprise européenne des services du numérique et société de conseil).  Une étude publiée en janvier indique un taux de croissance annuelle de 65%, dans les trois prochaines années, et une valeur de marché au 2028 dépassant les 100 milliards de dollars. Cette approche se fonde sur les projections d’évolution des capacités et des cas d’usages de l’IA générative en cours d’adoption dans les entreprises. Ce sont des prévisions toutefois qui risquent d’être basculées dans le scenario économique actuel, profondément modifié après l’investiture du président Donald Trump. 

Les droits de douane imposés par l'administration Trump sur les marchandises en provenance de Chine et d'Europe ont généré une réaction en chaîne qui menace de ralentir brutalement la course de l'intelligence artificielle. 

Alors que les annonces de hausses des impôts réciproques avaient fait plonger Wall Street et les marchés boursiers, avec de pertes considérables sur les valeurs de la Tech, le président américain a fait volte-face le 9 avril, annonçant une pause de 90 jours avant leur application (sauf pour la Chine). Toutefois, la hausse de 10% des droits de douane à l'importation entrée en vigueur le 5 avril a été maintenue. Et l’Europe aussi est visée. Au climat d’incertitude s’ajoute la perception que les problèmes ne sont pas encore finis pour l’industrie de la Tech.  Un nouveau bulletin du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis à la mi-avril a apporté un soulagement annonçant l’exemption de certains produits technologiques – smartphones, ordinateurs, et autres équipements intégrant des semi-conducteurs – assujettis à des surtaxes douanières. Mais Howard Lutnick, le nouveau secrétaire américain au Commerce, a déclaré que « des droits de douane spécifiques concernant les semi-conducteurs pourraient entrer en vigueur d’ici un à deux mois ». 

Bien que l'IA représente une promesse de croissance, le climat actuel d'incertitude économique et politique pourrait ralentir son expansion et menacer les entreprises technologiques, qui pourraient revoir stratégiquement leurs plans d'investissement. Sans compter que toute la chaîne des semi-conducteurs pâtit les tergiversations douanières de Donald Trump, après une année exceptionnelle, portée par l’appétit des entreprises pour l'intelligence artificielle.

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L’ « AI Index Report 2025 » diffusé en avril par le Stanford Institute for Human-Centered Artificial Intelligence indique la tendance des investissement globales en AI dans les dix dernières années 

The U.S.  lead in global AI investment. U.S. private AI investment hit $109 billion in 2024, nearly 12 times higher than China's $9.3 billion and 24 times the UK's $4.5 billion.
The gap is even more pronounced in generative AI, where U.S. investment exceeded the combined European Union and UK total by $25.5 billion, up from a $21.1 billion gap in 2023.
 

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 L’Europe a mis en place le « AI Continent Action Plan » pour rattraper son retard et relancer sa compétitivité.
 
Avec l’AI Continent Action Plan, lancé le 9 avril 2025, la Commission européenne vise à faire de l’Europe un acteur mondial autonome et compétitif dans l’IA. Un défi géopolitique entre Usa et Chine dans une économie globale en plein bouleversement.
« L'Europe est encore très dépendante de l'infrastructure hardware, des modèles Cloud propriétaires et des semi-conducteurs produits en Asie et en Amérique. Parallèlement, nous assistons à la course à une nouvelle architecture de l'intelligence artificielle : modèles multimodaux, agents d'IA autonomes, systèmes multi-agents et intégration avec les environnements physiques. Une évolution qui pourrait concentrer davantage le pouvoir entre les mains de très peu d’acteurs mondiaux, alimentant des inégalités d'accès et des risques de distorsion cognitive et sociale. Dans ce contexte, le plan Continent IA n'est pas seulement une feuille de route technologique, mais une prise de position culturelle et politique » écrit sur l’Agenda Digitale italienne Maurizio Carmignani, consultant, trainer et start-up advisor. « L'Europe, à différence d’autres grands acteurs mondiaux, vise à développer une IA :
- éthique et durable, en tenant compte de l'impact environnemental 
- transparente, dans sa logique et ses mécanismes de prise de décision
- inclusive, accessible également aux PME, aux territoires et aux citoyens
- résiliente, basée sur des infrastructures et des modèles souverains
- responsable, capable d’empêcher l'utilisation détournée de l'IA à des fins autoritaires, ou manipulateurs »
Selon l’AI Index 2025 le marché actuel est composé par 40 modèles d'IA notables d’origine des USA contre 15 pour la Chine et 3 seulement pour l'Europe. « Si les États-Unis conservent leur avance en termes de quantité, les modèles chinois ont rapidement comblé l'écart de qualité » indique l’étude. « Les différences de performances sur les principaux critères de référence sont passées de deux chiffres en 2023 à une quasi-parité en 2024. La Chine reste également en tête pour ce qui est des publications et des brevets dans le domaine de l'IA ».   

Les modèles dominants sont représentés dans ce graphique : 

(BCG -Henderson Institute) 

Quelles mesures seront alors au cœur de la nouvelle initiative européenne ? 

« 200 billions euros to boost AI development in Europe »

« 20 billion euros to finance up to five AI gigafactories »

« 13 AI factories will support start-ups, industry and research activity » 

 

Pour répondre à la demande croissante de nouveaux experts et de talents il est prévu de :

- faciliter le recrutement international, notamment en continuant d'ouvrir les voies d'immigration légale pour les travailleurs non européens hautement qualifiés dans le domaine de l'IA 

- retenir et attirer les meilleurs talents en matière d'IA en faisant venir des chercheurs et des experts en Europe.

- lancer des programmes d'enseignement et de formation sur l'IA et l'IA générative dans des secteurs clés afin de former la prochaine génération de spécialistes de l'IA et d'aider les travailleurs à se perfectionner, en facilitant le re-skilling. 

 La création d’un AI Act Service Desk devra aussi faciliter l’application de la loi européenne sur l’intelligence artificielle et offrir aux entreprises des lignes guides. 

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L’Institut-EuropIA vous invite à un prochain RDV à propos de  IA & Géopolitique :  Mardi 13 mai  18H00 Nice, Palais des rois sardes

Une rencontre avec Flavien Chervet, entrepreneur qui mène aussi des recherches scientifiques, philosophiques et géopolitiques sur l'Intelligence Artificielle.

Cette conférence vous permettra de mieux percevoir les changements, de réfléchir ensemble, de progresser dans la compréhension des évolutions qui s'opèrent sous nos yeux.

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L’IA au féminin : portrait de Mira Murati

Avec ce numéro nous débutons une nouvelle galerie dédiée à la place des femmes dans l’univers de l’IA. 

Bien connue dans la Silicon Vallée, elle est une figure de pointe de l’IA mondiale.  Ancienne directrice de la technologie d’OpenAI, Mira Murati, qui avait quitté ses fonctions en septembre 2024, a lancé une start-up rivale :  Thinking Machine Lab, en février 2025. 

Née en Albanie en décembre 1988, Mira a étudié au Canada et aux États-Unis, où elle a obtenu un double diplôme. Ingénieure en logiciels, elle avait travaillé chez Tesla, avant de passer six ans chez OpenAI. En ce temps elle a participé au développement de DALL-E et contribué à la naissance de ChatGPT. Elle est devenue CTO (chef technology officer) en 2022.

 Murati avait aussi pris les rênes d’OpenAI en 2023, lorsque le conseil d’administration avait brièvement licencié le CEO Sam Altman. Plusieurs chercheurs qui ont quitté OpenAI après le retour d’Altman au pouvoir, ont suivi Mira Murati dans sa nouvelle start-up. Entre autres, John Schulman, un important chercheur passé par Anthropic, et Jonathan Lachman, l'ancien directeur des projets spéciaux. 

Thinking Machines Lab is ex-OpenAI CTO Mira Murati’s new startup.

Dans un post sur son blog, Mira Murati regrette que « la connaissance des techniques d'entraînement est concentrée dans quelques laboratoires de recherche de pointe, ce qui limite les discussions publiques et la possibilité d'utiliser l'IA de façon efficace ». 

Elle s’engage avec sa nouvelle start-up à plus de transparence sur la création des modèles d’IA.  

Le site de Thinking Machine annonce :  

We're building a future where everyone has access to the knowledge and tools to make AI work for their unique needs and goals. Science is better when shared. 

Des chercheurs provenant de Meta et Mistral.ai participent à sa nouvelle aventure, en tout une trentaine de personne, dans le siège qui se trouve à San Francisco. Barret Zoph, ancien vice-président d’OpenAI a été nommé CTO de Thinking Machine et il dirige la recherche sur les modèles multimodaux. Selon Business Insider e TechCrunch la start-up de Mira Murati est en train de conclure en ce mois d’avril un « funding round »avec le venture-capital pour un financement exceptionnel de 2 millions de dollars.   

Deviendra -t- elle le prochain grand challenger d’OpenAI ? 

(Photo Darmouth Engineering) 

L’autre concurrent est Ilya Sutskever, qui avait été co-fondateur d’OpenAI, devenu après le principal rival de Sam Altman. La nouvelle start-up qu’il a créé, Safe SuperIntelligence (SSI) vient de clôturer un financement de 1 milliard de dollars et elle bénéficie déjà d’une évaluation à plus de 30 milliards.  Mais entretemps la valorisation d’OpenAI a été multiplié par dix, en arrivant à 300 milliards de dollars. La route est encore très longue...

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Tendances  :

Cyber criminalité en hausse, en France aussi

« Virus informatiques, comptes en ligne piratés, appel d'un faux conseiller bancaire, utilisation frauduleuse de la carte bancaire, diffusion d'informations personnelles, menace de publication de contenus intimes, appareil bloqué avec demande de rançon… Voici les principales menaces auxquelles sont confrontés les internautes » prévient Les Échos dans un article publié à fin mars sous le titre Help, je me suis fait pirater ! 

16% des victimes de cyberattaques déclarent avoir subi une perte financière à la suite d'une attaque au cours de la dernière année.

25% des 25-34 ans disent avoir déposé plainte à la suite d'une cyber-malveillance

Il s’agit d’exemples reportés dans l’Étude réalisée l'été 2024 par Ipsos pour Cybermalveillance.gouv.fr,  sur un échantillon de 3100 Français.

La dernière cyber-attaque massive sur le site de France Travail a exposé au risque de fuite des données personnelles plus de 43 millions de personne. Les opérateurs de télécom aussi sont les cibles privilégiées des hackers et ceci à répétition pendant la dernière année. L’objectif est surtout de récupérer de données qui seront utilisées après pour faire du chantage à distance. 

L'arrivée en masse des agents IA va inévitablement accentuer ces risques parce que le cybercrime s’est déjà emparé de techniques d’intelligence artificielle. 

Selon un rapport du Wall Street Journal, publié en février, des groupes de pirates informatiques ayant des liens connus avec la Chine, l'Iran, la Russie et la Corée du Nord utilisent des chat-bots IA comme Google Gemini pour les aider dans des tâches telles que l'écriture de code malveillant et la recherche de cibles d'attaque potentielles.

 

CrowdStrike, qui a publié il y a un mois le  Global Threat Report 2025  révèle l'agressivité croissante des cyber-opérations de la Chine, l'augmentation de l'ingénierie sociale basée sur la GenAI, la recherche et l'exploitation de vulnérabilités par des groupes parrainés par l'État. Le rapport révèle que les adversaires liés à la Chine ont augmenté de 150 % leurs opérations cybernétiques, avec des attaques ciblées dans les secteurs des services financiers, des médias, de la fabrication et de l'industrie qui ont augmenté jusqu'à 300 %.

 

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   Agenda de l’Institut EuropIA : les prochains évènements 

• Mardi 13 MAI  #IADATE -  IA et Géopolitique :  on vit un monde différent, Lequel ? Avec Flavien CHERVET - Palais des rois sardes, Nice
• Mercredi 30 MAI  - CCI  Cybersécurité - Campus Sophia  Marco LANDI  - Laurent LONDEIX
• Lundi 19 MAI - IAFTERWORKS :  Institut Europia avec Studio Laffitte : Générez & montez vos contenus vidéos avec l'IA au Business Pole  Sophia de 18h00-19h30 - Intervenant Julien RAOUT
• Lundi 2 JUIN : Pole Company - Bruno VALENTIN - ISCAE  : Intervention Marco LANDI - Moratoglou Ressort