Le cinéma entre mémoire et renaissance numérique - DianaLANDI

Les industries créatives : l’IA générative, nouvel acteur de la narration contemporaine
Les technologies d’IA transforment en profondeur les industries créatives, enrichissant la production de contenus dans des domaines comme le cinéma, le jeu vidéo, la musique ou le design. L’essor de l’intelligence artificielle générative bouleverse les cadres traditionnels de la création narrative. En s’appuyant sur des outils multimodaux comme Sora d’OpenAI, Runway Gen-4 et ElevenLabs, les créateurs disposent désormais de moyens inédits pour concevoir des récits visuels et sonores d’une richesse sans précédent. Ces technologies ne se contentent plus de soutenir la production, elles participent activement à l’élaboration du récit.
Dans le secteur des jeux vidéo, l’IA permet la génération dynamique de dialogues, la construction procédurale d’univers et l’adaptation des comportements narratifs en fonction des choix du joueur, ouvrant la voie à des expériences hautement immersives et personnalisées.
Du côté du cinéma et de la télévision, l’IA s’intègre aux étapes de préproduction (développement visuel, prévisualisation) et influence même l’écriture scénaristique, avec des modèles de langage capables de générer des structures narratives et d’interagir avec les auteurs dans un processus de co-création. La transformation de la narration par l’intelligence artificielle est illustrée par plusieurs événements majeurs de 2025 :
· SIGGRAPH 2025 : met en avant les visuels génératifs en temps réel, fondamentaux pour les nouveaux formats immersifs et la création de mondes virtuels cohérents.
· SXSW 2025 : explore la convergence entre IA et storytelling, en montrant l'impact de l'IA sur la culture et l’identité narrative.
· Venice Biennale College Cinema : propose des laboratoires de co-création entre IA et réalisateurs, dévoilant de nouvelles esthétiques cinématographiques.
· Tribeca Immersive : se concentre sur les récits interactifs intégrant des agents génératifs et des narrations non linéaires, offrant des expériences immersives inédites.
· WAIFF 2025 à Nice : lors des ProTalks du 12 avril, les enjeux de l’hybridation entre IA et narration filmique ont été débattus, interrogeant les rôles de l’auteur dans un contexte de récits co-créés avec la machine.
Vers un storytelling augmenté : l’IA comme partenaire narratif
Il était une fois… un temps où raconter des histoires relevait exclusivement de l’humain. Aujourd’hui, à l’ère numérique, l’intelligence artificielle redéfinit cet art ancestral. Mais ce bouleversement n’est pas une simple modernisation des outils : il s’agit d’une mutation profonde de la manière dont les récits naissent, évoluent et touchent leur public L’intelligence artificielle ne se limite plus à des fonctions techniques : elle devient un véritable acteur du processus créatif. Des outils comme ceux développés par OpenAI, ou encore les plateformes Sudowrite et Novelcrafter, sont aujourd’hui capables d’accompagner les auteurs bien au-delà de la simple assistance. Ils proposent des pistes d’intrigue, enrichissent les portraits de personnages et contribuent à rendre les dialogues plus fluides et naturels.
Mais l’apport de l’IA va plus loin encore. En modifiant les méthodes de narration, elle permet d’ajuster le rythme et les émotions d’un récit en fonction des attentes du lectorat, d’assurer la cohérence d’univers complexes dans des genres comme la science-fiction ou le thriller, et de créer des récits qui s’adaptent en temps réel dans des environnements interactifs comme les jeux vidéo ou la réalité virtuelle. Grâce à cette flexibilité, chaque expérience narrative peut devenir unique. Cependant, cette transformation soulève des interrogations majeures. Si une machine participe à l’écriture d’une histoire, qui en est réellement l’auteur ? Comment préserver l’originalité, la sensibilité et la diversité des voix humaines dans un contexte où l’IA peut produire des récits standardisés ? Et comment s’assurer que ces outils ne reproduisent pas, voire n’amplifient pas, les biais présents dans les données qui les alimentent ?
De plus des acteurs puissants rentrent dans ces récits visuels, la mode et la publicité. Dans un contexte où les marques cherchent à se démarquer par des expériences émotionnelles fortes, l’intelligence artificielle s’impose discrètement mais efficacement comme un nouvel outil narratif. Des campagnes comme Le Bambino de Jacquemus ou les vidéos stylisées de Motorola illustrent cette transformation : l’IA permet de créer des récits visuels immersifs, poétiques et émotionnels, où le produit devient un prétexte à l’imaginaire plutôt qu’un simple objet à promouvoir. Cette nouvelle esthétique, mêlant storytelling, art numérique et technologies émergentes, s’exprime pleinement dans les festivals avant-gardistes comme ASVOFF ou le Sarajevo Fashion Film Festival, où l’IA devient à la fois muse, langage et outil créatif. Grâce à des plateformes comme Runway, Lalaland.ai ou DRESSX, les marques conçoivent désormais des univers complets et singuliers, façonnés par des images qui touchent sans imposer, racontent sans afficher.
Ce glissement marque un tournant : la communication visuelle devient plus fine, plus émotionnelle. L’IA n’élimine pas l’acte artistique, elle le prolonge et l’élargit, donnant naissance à une publicité subtile, immersive et signifiante.
Le World AI Film Festival (WAiFF) 2025 s’est tenu à Nice en avril dernier, consacrant une édition entièrement dédiée aux courts-métrages créés avec le concours de l’intelligence artificielle. Unique en son genre, le WAIFF s’est imposé comme un rendez-vous international de référence autour des mutations du cinéma à l’ère des technologies génératives.
L’IA, longtemps cantonnée à la science-fiction, est désormais partie prenante du processus créatif : écriture de scénarios, montage, postproduction, voire mise en scène. Le festival a offert un regard approfondi sur cette cohabitation inédite entre algorithmes et imagination humaine, posant des questions essentielles sur les limites de la création, les enjeux juridiques et les futurs métiers du cinéma.
Trois moments forts ont structuré cette édition :
- Un palmarès exigeant, distinguant des œuvres mêlant innovation narrative, qualité technique et réflexion éthique. Certains films primés ont été coécrits avec des IA, ouvrant la voie à une nouvelle forme de récit cinématographique.
- Le procès fictif du film ECHO, œuvre intégralement générée par intelligence artificielle, a mis en scène un débat critique sur la définition même de ce qu’est (ou n’est plus) le cinéma. Entre théâtre et manifeste, cette performance a permis de cristalliser les tensions culturelles, juridiques et philosophiques liées à l’émergence des œuvres synthétiques.
- Les ProTalks, cycle de conférences réunissant réalisateurs, juristes, producteurs et chercheurs, ont posé les bases d’un écosystème en mutation. Droits d’auteur, nouveaux modèles économiques, redéfinition des rôles humains : autant de sujets abordés par des intervenants de renom, dans un esprit d’ouverture et d’anticipation.
Plus qu’un simple festival, le WAiFF 2025 s’est affirmé comme un espace de dialogue entre création artistique et innovation technologique, invitant à repenser les fondements du cinéma à l’aube d’un nouveau langage visuel.
