Le spatial et l’intelligence artificielle : quelle synergie dans le futur ?

Le spatial et l’intelligence artificielle : quelle synergie dans le futur ?
Historiquement, les systèmes spatiaux ont occupé une position centrale dans le cercle vertueux du développement de l’intelligence artificielle.
Le secteur du spatial, grand consommateur de calculateurs « à hautes performances », a suscité les progrès techniques qui ont permis la croissance exponentielle de la puissance de calcul que l’on sait, aujourd’hui, au service de l’intelligence artificielle : la NASA, par exemple, est à l’avant-garde du développement des ordinateurs à circuits intégrés depuis les années 60, à travers le programme Apollo, et opère, depuis 2008 le supercalculateur Pleiades¹, l’un des plus performants à ce jour.
De façon plus générale, les investissements réalisés pour les besoins du secteur spatial depuis ces années-là ont largement contribué à financer les efforts de R&D qui permettent aujourd’hui de rendre l’« IA » disponible et opérationnelle dans la grande majorité des domaines économiques et sociaux en ce 21ème siècle.
Cette synergie continue de s’exprimer de multiples manières, par exemple :
Nombre de mécanismes et algorithmes de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage statistique ont besoin, par nature, de « consommer » d’importants flux de données. Au côté des réseaux internet qui ont fait exploser la quantité de données symboliques disponibles, ce sont les systèmes spatiaux d’observation de la Terre qui embarquent les plus performantes des caméras produisant des images numériques filmées en continu qui constituent un flux de données phénoménal.
Le secteur du spatial est celui où l’on conçoit les robots les plus sophistiqués : Une caractéristique capitale d’un robot dans l’espace est de pouvoir apprendre, en temps réel et de façon autonome, des flux de données acquises par ses différents capteurs, afin d’améliorer ses performances. En raison de la difficulté, voire de l’impossibilité des interventions humaines dans l’espace, on comprendra aisément que ces robots, pour cela, nécessitent la mise en œuvre de l’IA la plus avancée.
Les progrès technologiques réalisés à ce jour et qui résultent des synergies entre les 2 domaines du spatial et de l’« IA » ne sont donc pas le fruit du hasard : plusieurs articles écrits pendant les 4 ou 5 décennies passées témoignent des attentes constantes du secteur spatial envers les solutions fondées sur l’« IA », comme par exemple : « Spacecraft Autonomy and the Missions of Exploration » en 1998 ; en 2006 « The Future of AI in Space »² ; ou, plus récemment « The Current State of Research and Technology of Digitalization in the Space Industry »³ et « AI and Machine Learning for Space »⁴.
La part des investissements du secteur spatial dans la R&D de l’« IA » reste grande : à titre d’illustration, un tiers des topiques des appels à propositions de l’Union européenne « Horizon Europe – Espace » pour 2021 et 2022, dont le budget cumulé dépasse les 200 million d’euro, fait référence à l’« IA ».
A quoi peut-on donc s’attendre des apports de l’IA dans le spatial, compte tenu des contraintes inhérentes au secteur : accessibilité, faiblesse des signaux, … ? Et à quels progrès ces contraintes, sources d’innovation, pourront-elles mener pour l’IA du futur ?
¹ https://fr.wikipedia.org/wiki/Pleiades_(superordinateur)
² https://ieeexplore.ieee.org/document/1667956
³ The Current State of Research and Technology of Digitalization in the Space Industry - Sarah Böning - DLR-IB-DW-JE-2021-55
⁴ https://ai-solutions.com/newsroom/about-us/news-multimedia/artificial-intelligence-and-the-future-of-space-exploration/
Michel Bosco pour et page 2
D’ores et déjà les systèmes spatiaux bénéficient d’apports de l’IA comme dans tous les domaines technologiques aujourd’hui :
Par exemple⁵, la station spatiale internationale est équipée d’un assistant virtuel pour le traitement des anomalies dans les missions de longue durée ; ou encore : des modèles d’apprentissage statistique sont actifs sur les bases de données répertoriant les objets en orbite, leurs trajectoires, etc. pour générer des informations qui sont à leur tour transmises aux satellites actifs afin de leur permettre d’éviter, sans intervention humaine, ces objets.
Pour concevoir ces systèmes spatiaux complexes, l’IA entre déjà en jeu : la NASA, l’Agence spatiale européenne, ou le CNES, font appel à des environnements intelligents⁶.
Enfin, bien sûr, les concepteurs d’applications qui traitent de grands flux de données issus de systèmes spatiaux font aussi appel à différents algorithmes d’apprentissage statistique, comme l’outil de navigation « TomTom » utilisé au quotidien qui « découvre », grâce aux relevés des positions de ses utilisateurs, des routes nouvellement ouvertes, des sens uniques, des travaux, etc.
Alors que les grandes entreprises « traditionnelles » du spatial – comme Thales Alenia Space en France, continuent d’investir substantiellement dans la recherche en IA et la veille technologique pour intégrer graduellement leurs résultats à leurs nouveaux satellites ou systèmes, certaines entreprises et start-ups du « newspace »⁷ misent même sur l’IA d’avant-garde comme élément « disruptif », pour se différencier :
Parmi elles, la start-up française Prométhée Earth Intelligence va combiner IA embarquée (sur chaque satellite de sa constellation d’observation de la Terre) et IA opérant sur ses serveurs au sol, pour fournir des informations en quasi-temps-réel (contre plusieurs heures, voire jours, pour les systèmes actuels) et actionnables immédiatement grâce au développement de « petits modèles de langage » (de l’IA limitée thématiquement mais peu gourmande en moyens des calculs) spécifiques à ses domaines d’utilisation (météo, suivi, crise, etc.)
Une autre start-up française, U-Space, compte sur l’intelligence artificielle pour, en opération orbitale, automatiser la sécurité, le suivi et les manœuvres de ses missions satellitaires ; accroitre l’autonomie des satellites qu’elle construit en couplant propulsion électrique et une prise de décision assistée par IA ; dans le plus long terme, industrialiser leur fabrication avec des outils IA pour garantir qualité et cadence.
Pour Infinite Orbits, enfin, l’IA va servir principalement à alimenter un système de navigation autonomes par vision capable d’identifier, suivre, et se rapprocher d’objets orbitaux de façon automatique, tant pour les inspecter que pour éviter les collisions, ou pour optimiser leurs trajectoires afin d’en rallonger la durée de vie orbitale. Dans ce cas, l’IA exploite des réseaux de neurones pour l’analyse de poses visuelles, combinée à des algorithmes embarqués pour des prises de décision en temps réel, le tout validé grâce à des calculateurs à haute performance comme le supercalculateur MeluXina.
Tout cela tend à montrer que l’« IA » progressera de façon toujours plus soutenue grâce à cette proximité avec le spatial, ce secteur qui bouleverse et bouleversera notre économie et notre société dans les décennies à venir, si l’on se réfère à la croissance exponentielle de l’utilisation que nous faisons des systèmes spatiaux dans notre quotidien.
⁵ « Five ways artificial intelligence can help space exploration », https://theconversation.com/five-ways-artificial-intelligence-can-help-space-exploration-153664
⁶ Par exemple https://www.rheagroup.com/fr/case-study/mois-orchestrating-space-missions-for-over-20-years/ dont les versions récentes intègrent des algorithmes d’« IA ».
⁷ Réponses de ChatGPT aux questions : « Comment l'intelligence artificielle sera-t-elle utilisée par la start-up du spatial [start-up] dans son système ? »
https://theconversation.com/five-ways-artificial-intelligence-can-help-space-exploration-153664
https://www.rheagroup.com/fr/case-study/mois-orchestrating-space-missions-for-over-20-years/
