IA & HORIZONS La Newsletter de l'Institut-EuropIA N.7 octobre 2025

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Le grand défi environnemental de l’IA
par Chiara Sottocorona–
ExperteenIAetMédiasdel’Institut-EuropIA
Plus de puissance de calcul, moins de consommation : tel est le prochain défi de l'intelligence artificielle. Bien qu'elle ouvre des perspectives de croissance sans précédents, l'IA est une technologie trop énergivore : son essor fulgurant risque d'entrer en collision avec les objectifs de durabilité environnementale. « L'intelligence artificielle met en danger la transition écologique mondiale » selon le nouveau rapport que vient de publier le Shift Project : les tendances actuelles montrent que le déploiement généralisé de l'IA, notamment générative, provoquera une demande insoutenable en électricité de la part des centres de données, totalement incompatible avec la décarbonation nécessaire de la planète.
Les dirigeants mondiaux n'ont pas réussi encore à limiter l'augmentation de la température mondiale à moins de 2 °C. Et au cours des six premiers mois de cette année, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 0,7 % à l'échelle mondiale. Aux États-Unis, l'augmentation est beaucoup plus forte : selon Carbon Monitor, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 4,24 % au cours du premier semestre 2025 par rapport à la même période en 2024.
En cause, la multiplication des grands centres de données qui font fonctionner les LLM et les applications d'intelligence artificielle. Un rapport sur la consommation énergétique aux États-Unis en 2024, publié par le Lawrence Berkeley National Lab, prévient que « les centres de données absorberont 12 % de toute l'électricité nationale d'ici 2028 ».
La croissance de la consommation énergétique des data-centers américains pour l'IA.
Ceux dédiés à l'IA consomment 1,8 fois plus d'énergie que les centres de données traditionnels, selon une analyse d'EY. « D'ici 2029, l'intelligence artificielle absorbera près de 30 % des capacités mondiales des centres de données, soit plus du double par rapport à 2022 », explique Giuseppe Donatelli, responsable du secteur Télécoms et Médias chez EY Italie. « Cette croissance pose des défis importants : de l'utilisation des énergies renouvelables à l'optimisation de la consommation d'eau et la réutilisation de la chaleur. Il est nécessaire de repenser les infrastructures dans une optique durable, avec des avantages en termes d'impact environnemental ».
Quel impact environnemental a Chat-GPT?
Le seul training de GPT-3, le modèle d'Open AI qui a permis le lancement de Chat-GPT, a entraîné l'émission de 550 millions de tonnes de CO2.
Les chercheurs de l'université de Stanford, qui compilent l'indice mondial de l'IA, ont calculé que la création de la version de base de Chat-GPT a nécessité 1.287 mégawattheures et 700.000 litres d'eau pour le refroidissement du matériel. La consommation de la version suivante, GPT- 4, est estimée entre dix et vingt fois supérieure.
Le rapport « The growing energy footprint of artificial intelligence »-L'empreinte énergétique croissante de l'intelligence artificielle- de la School of Business Economics de l'université d'Amsterdam indique que l'utilisation de Chat-GPT a déjà généré en 2023 une consommation de 564 mégawattheures par jour pour répondre à 195 millions de demandes. Aujourd'hui, les questions quotidiennes posés à Chat-GPT sont environ deux milliards et demi, imaginez quel bond de consommation !
Il suffit de penser qu'un seul processeur graphique GPU Nvidia H100, parmi les plus utilisés pour faire fonctionner les algorithmes d'IA, utilise autant d’électricité qu'une famille américaine moyenne en un an. Et dans les centres de données, ces processeurs se comptent par milliers. Les nouvelles générations de puces pour l'IA émettent de la chaleur et posent le problème du refroidissement, entraînant également une augmentation de la consommation d'eau.
Combien des ressources de la nature puise-t-elle l’IA générative ?
« Un centre de données Meta consomme 200.000 litres d'eau par jour, soit l'équivalent de la consommation quotidienne de 1000 Italiens », explique Dario Giardi, responsable Développement durable et économie circulaire chez Confagricoltura à Rome. « Lorsque nous parlons de la consommation d'eau des centres de données, il convient de prendre en compte non seulement la consommation directe, pour le refroidissement, mais aussi la consommation indirecte liée à leur fonctionnement : l'énergie consommée provient de centrales nucléaires ou thermoélectriques qui ont besoin d'énormes quantités d'eau. Il y a également un impact sur le sol, souvent sous-estimé, car chaque fois que ces centres sont construits, le raccordement des câbles entre les bâtiments et leur enfouissement nécessite le pompage des eaux souterraines, ce qui assèche les puits et les nappes phréatiques. Cela pose un problème pour l'agriculture, compte tenu des vagues de sécheresse prolongées et de plus en plus intenses dues au changement climatique ».
C'est ce que vivent actuellement les habitants de Saragosse et d'Aragon, en Espagne, une région déjà aride et soumise à des restrictions d'eau, où se multiplient les méga-datacenters d'Amazon (qui passeront de trois à cinq) et de Microsoft (trois autres).
L'UE estime qu'en Europe, la consommation d'électricité pour alimenter les centres de données pourrait augmenter de 50 % dès l'année prochaine par rapport à 2022. Au niveau mondial, « la consommation des centres de données, stimulée par la demande en IA, aura plus que doublé d'ici 2030, pour atteindre 945 térawattheures, soit plus que la consommation actuelle d'électricité du Japon en un an », a déclaré le 10 avril Fatih Birol, directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie.


La demande mondiale en eau pour le développement de l'IA est estimée entre 4,2 et 6,6 milliards de mètres cubes par an en 2027 (plus de la moitié de la consommation d'eau de la Grande-Bretagne) dans l’étude « Making AI Less Thirsty » (Rendre l'IA moins assoiffée), signée par quatre chercheurs de l'université Cornell.
Google et Open AI ont révélé pendant l’été la quantité des ressources qui consomment nos « Prompts ».
Une requête textuelle à Gemini nécessite 0,24 wattheure (soit l'équivalent de neuf secondes de télévision), consomme 0,26 millilitres d'eau et génère 0,03 grammes de CO2.
La consommation des demandes à Chat-GPT est légèrement supérieure, comme l'indique Sam Altman dans son blog en juin : 0,34 wattheure et 0,32 millilitre d'eau pour chaque requête écrite. Mais ces chiffres doivent être multipliés par les milliards de Prompts quotidiennes des utilisateurs. Et la consommation de la GenAI pour la création d'images, de vidéos et de musique, les activités qui connaissent aujourd'hui la plus forte croissance, n'a pas encore été évaluée, ni communiqué.
Les géants de la technologie promettent désormais plus de transparence sur leur empreinte environnementale, des réseaux Grid plus efficaces pour la distribution d’électricité, des puces conçues pour consommer moins d'énergie et le recours à des sources d'énergie renouvelables. Il faudra voir s’ils tiendront leurs promesses.
Géopolitique de l’IA
Les leaders des BIGTECH à la cour de l’«Empereur» Trump
Ce dessin humoristique réalisée par Ann Telnaes, éditorial cartoonist du Washington Post, Prix Pulitzer en 2001 et à nouveau finaliste en 2022, a fait perdre son poste à la dessinatrice. Elle l’avait proposé au journal après la victoire de Donald Trump aux élections, et avant son investiture, mais Jeff Bezos, propriétaire du Washington Post ne l’a pas apprécié : refus de publication. Et la dessinatrice a démissionné.
Pourtant l’image était bien prophétique. Les grands patrons de la Tech américaine, les méga milliardaires de l’IA, engagés dans la nouvelle course à l’Or, sont nombreux maintenant à la cour de Trump. Et ils sont en train de multiplier leurs fortunes. Ils étaient déjà en premier ligne à l’investiture du nouveau président le 20 janvier :
Tim Cook, CEO d’Apple était aussi présent, comme Sam Altman, CEO d’Open AI, et Satya Nadella, CEO de Microsoft. Et même Shou Chew, le patron du controversé social network Tik Tok n’a pas manqué́ cette occasion. La plupart d’entre eux ont versé une contribution de 1 million de dollar pour participer au diner inaugural à la Maison Blanche. Jamais on n’avait vu un tel cortège de leaders de la technologie autour d’un président des Etats-Unis, même pas quand Barack Obama a mobilisé́ pour la première fois les réseaux sociaux dans sa campagne électorale.
Au lendemain, le mois de janvier, Musk et Zuckerberg, au nom de la « vérité et liberté d’expression » ont supprimé toute forme de modération sur leurs réseaux sociaux, X dans le cas du premier, Facebook et Instagram pour le deuxième. Zuckerberg a aussi annoncé que « les contenus politiques » aurait fait leur grand retour sur les réseaux de Meta, en communiquant dans une vidéo la suppression de l’équipe de fact-checking. Tous renvoyés les vérificateurs des faits, qui auparavant étaient chargé de combattre la désinformation.
Moins d’un mois plus tard, les leaders des l’industrie technologique ont répondu « Oui » à l’appel de Trump pour le Programme STARGATE, qui prévoit la construction de quarante grands datacenters dans les États-Unis et nécessite des investissements colossaux (500 milliards de dollars) pour assurer la domination dans l’IA. Dans un post sur son blog, Brad Smith, le président de Microsoft a annoncé que comptait dépenser 80 milliards de dollars sur le premier an (2025), dont plus de la moitié aux Etats-Unis, comme contribution initiale d’investissement pour la construction de centres de données nécessaires au déploiement de l'IA.
A côté de Donald Trump, prêt à mettre la main au portefeuille, il y a aussi Larry Ellison (le fondateur d’Oracle, un géant des serveurs informatiques, dont il est toujours actionnaire au 40%). Les autres fidèles sont Sam Altman de Open AI et Jensen Huang, le très riche patron de Nvidia, leader dans le microprocesseur pour l’IA. Sans compter le puissant Masayoshi Son, le patron de SoftBank, qui depuis une trentaine d’années est un de plus grands investisseurs en capital de risque dans la Silicon Vallée.
En se pliant aux désirs de Donald Trump, et dans le but d’éviter aussi des lourds droits de douane, le CEO d’Apple Tim Cook a annoncé en février des investissements massifs aux Etats-Unis pour des centaines de millions de dollars : une nouvelle grande usine à Houston, pour la production des iPhone (avec la promesse d’embaucher 20.000 personnes), des centres de donnés en Caroline du Nord, Iowa, Oregon, Nevada.
Visites d’État et voyages d’affaires sont bien mélangés dans la présidence Trump et ses amis de la Tech ont pu en bénéficier. Au mois de mai Elon Musk (qui était encore dans l’état de grâce avec Trump), Sam Altman et Jensen Huang, le CEO de Nvidia, avec une délégations d’autres entrepreneurs de la Silicon Vallée, ont accompagné́ le président américain dans son voyage en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis. « Une succession de rencontres que devrait déboucher sur un total de 1.000 milliards de dollars de nouveaux contrats, majoritairement orientés autour des industries de la défense et de la tech » a précisé́ le quotidien Les Echos.
Le 4 septembre encore une grande fête à la Maison Blanche où Donald Trump a invité les grands patrons des technologies, en recevant tous leurs remerciements et compliments. Bill Gates à la gauche du président, Mark Zuckerberg, à sa droite. Après la rupture avec Elon Musk, Zuckerberg semble être devenu le nouveau chouchou de Trump.

A la table il y avait aussi Sundar Pichai et Sergey Brin (co-fondateur de Google), Lisa Su (CEO de AMD), Satya Nadella de Microsoft, Tim Cook d’Apple, Sam Altman e Safra Catz (CEO di Oracle).
Depuis plus de vingt ans bras droit de Larry Ellison, le fondateur d’Oracle, Safra Catz a été un de premier soutien du camp Trump, avec Peter Thiel, CEO de Palantir. Tous les deux Républicains convaincus et financeurs du programme « America First ». Les récompenses pour Thiel, fournisseur du Pentagone et de la NSA (National Security Agency) ne sont pas manquées en termes de riches business avec l’administration
Mais Oracle aussi maintenant prends sa part du gâteau, c’est la société qui héberge dans ses serveurs les grand modèles LLM d’Open AI (un contrat à 300 milliards sur trois ans viens d’être signé selon le Wall Street Journal), de Meta e de Nvidia. Oracle a vu son cours boursier s'envoler de plus de 100 % cette année. C'est bien davantage que ses homologues de la Silicon Valley Alphabet, la maison mère de Google (+26 %), Amazon (+5 %) et Microsoft (+20 %). C'est même mieux que le champion des puces Nvidia (+30 %), l'entreprise la mieux capitalisée au monde (source : Les Echos, 10 septembre 2025).Voici les plus grands gagnants mondiales grâce à l’IA et au soutien au Maga (Make America Great Again).
Les rencontres de l’Institut EuropIA
RDV Le 5 novembre à 18h30 au Palais des Rois Sardes à Nice :
IADate«IA: Angeoudémon,lenouveaumondedel’invisible »
Conférence de Laurence Devillers, professeur à la Sorbonne et chercheuse CNRS
Reconnue parmi les plus importantes femmes de l’IA en France et à l’international, Laurence Devillers est spécialiste des interactions homme-machine et de la robotique émotionnelle. Elle interroge avec sens éthique notre rapport aux technologies d’IA.








