IA & Robots : les humanoïdes deviennent intelligents
IA & Robots : les humanoïdes deviennent intelligents
par Chiara Sottocorona, Experte IA et Medias
Les robots humanoïdes sont déjà l’objet d’une nouvelle bataille entre Chine et États-Unis. Dans les deux dernières années l’avancée sur le marché mondial des nouveaux modèles a été formidable : c’est grâce au mariage de l’IA et de la Robotique.
Les humanoïdes ont acquis des nouvelles capacités : les mouvements sont affinés, plus fluides et plus précis, l’interaction est naturelle, à travers le regard et la voix, un certain dégrée d’autonomie permet aussi de le faire circuler dans des environnements où ils peuvent interagir librement avec les êtres humains. Et il ne s’agit pas seulement de robots dédiés à l’industrie, on le retrouve aussi dans les services, comme la logistique, la sécurité, l’assistance aux patients et la surveillance des personnes âgées.
Pas besoin d’aller aux USA pour voir des exemples, il y en a bien en Europe et même à côté de chez nous, en Italie. A Milan le 11 et 12 novembre le METS (Milan Emerging Technologies Summit) un congrès dédié aux technologies émergentes, n'a pas été inauguré par un orateur humain, mais par un robot, qui a tenu la relation d’ouverture.
Il s’appelle RoBee et il s'agit du premier humanoïde autonome et cognitif 100 % made-in-Italy. D'une taille variable, entre 162 et 190 cm, selon les configurations et les utilisations, il reproduit la structure et les mouvements du corps humain et il est doté d'une intelligence artificielle pour interagir. Né en Lombardie, il est produit par Oversonic Robotics, une société de logiciels qui conçoit des systèmes cognitifs, avec un team de 70 employés (dont des dizaines d’ingénieurs venus de l’international), fondée en 2020 avec des financements privés italiens.
« En pleine pandémie, nous avons eu l'idée de créer un robot collaboratif pour lui donner toutes les tâches que les humains méritent d'arrêter de faire », explique Paolo DENTI, PDG et cofondateur avec Fabio PUGLIA, un physicien et mathématicien ayant une grande expérience internationale, actuellement le président. « Aujourd'hui, RoBee est capable de travailler huit heures d'affilée, il est certifié pour l’utilisation en usine, il possède un système de reconnaissance faciale, un système de navigation pour interagir avec l'espace et les personnes par le biais d'algorithmes, déclenché par des capteurs et par la vision artificielle, il communique en langage naturel et se souvient des événements, il peut ramasser et déplacer des objets, et porter des poids allant jusqu'à 50 kg. » Une dizaine d'unités sont déjà en service dans des usines italiennes (la première est entrée dans l'usine de mécanique de précision MT à San Giovanni in Marignano) et 20 autres sont en cours de livraison.
Un nouveau modèle défini comme « social », le RoBee M01, est destiné aux applications de santé. Il est actuellement testé à la Fondazione Santa Lucia Irccs de Rome pour la rééducation neurologique des victimes d'accidents vasculaires cérébraux. « À Turin, avec le consortium Kcs, nous l'avons introduit dans des maisons de retraite pour les personnes âgées et les patients atteints de la maladie d'Alzheimer », explique M. DENTI. « Il effectue des tâches d'assistance, d'accompagnement et de surveillance, ce qui libère du temps pour le personnel soignant ».
D'autres projets applicatifs sont en cours avec des universités italiennes à Milano, à Naples et à Padoue. « La robotique collaborative représente un marché de plus de 2 milliards de dollars cette année et trouve des applications dans l'industrie, la logistique, la sécurité, la maintenance, récemment elle a fait également son entrée dans les services », explique Nicola GATTI, professeur associé d'Informatique et Intelligence artificielle à l'École Polytechnique de Milan. « La grande différence est qu'hier les robots devaient être programmés, alors qu'aujourd'hui, grâce aux progrès de l'IA, ils sont capables de comprendre et d'exécuter les ordres qu'ils reçoivent par la voix, ils ont une plus grande autonomie et une plus grande capacité d'adaptation. »
Alessandra SCIUTTI, coordinatrice de l'unité de recherche Contact (Cognitive architecture technologies) à l'IIT (L’Institut Italien de Technologie) de Gênes, explique : « De grands progrès ont été réalisés dans la mise en place de robots aux côtés des humains, avec de plus grandes garanties de sécurité et donc la possibilité de partager des espaces. L'objectif est d'aller plus loin, de mettre en place une véritable collaboration, permettant à l'homme et à la machine de travailler ensemble, afin de mettre en valeur ce que chacun peut apporter de mieux : l'infatigabilité, la précision, la robustesse du robot couplées à la créativité et à la réactivité à l'inattendu de l'être humain ».
Interact Analysis a passé en revue 123 marques de robots humanoïdes mobiles qui sont en production dans le monde cette année. Les leaders du marché sont des humanoïdes « coworkers » de haute précision, destinés pour l'instant à l'industrie et à la logistique, comme Atlas 2.0 de Boston Dynamics, Phoenix de la société canadienne Sanctuary AI et Digit d'Agility Robotics, qui est testé depuis un an dans les entrepôts d'Amazon.
Mais une forte production asiatique est en train d'émerger, et lors de la conférence mondiale sur la robotique qui s'est tenue à Pékin à la fin du mois d'août, 27 nouveaux modèles ont été présentés avec des capacités étonnantes. Walker S1, qui est produit à Hong Kong par Ubtech Robotics, est rendu autonome et bien communicant par un modèle d’intelligence artificielle LLM (Large language model). Le chinois GR2 de la société Fourier Intelligence basé à Shangaï, arrivé sur le marché le mois d’octobre, est capable d’une grande précision et il arrive bien à s’adapter aux différents environnements. Les humanoïdes peuvent désormais effectuer aussi des tâches du quotidien : servir le thé, charger la machine à laver, mettre la table, plier un tee-shirt.
Mais les coûts encore trop élevés (les prix varient de 90.000 à plus de 300.000 euros), auxquels s'ajoutent des problèmes de sécurité et de normative, ne permettent pas encore de les faire entrer dans la sphère domestique. « Il faudra attendre une dizaine d'années pour une diffusion plus massive », observe M.GATTI. L'accélération du phénomène est toutefois due à la combinaison de la robotique et de nouvelles habilités de l'IA générative, avec l'entrée en scène des Big Tech.
Google et Nvidia ont développé des modèles pour l'entraînement des robots, Intel et Samsung ont investi dans des start-up qui produisent des humanoïdes, Tesla développe son humanoïde généraliste Optimus (pas encore tout à fait autonome, mais doté de neural networks). Et Elon Musk y crois tellement qu’il a déclaré à une conférence en Arabie Saoudite à fin octobre : « D’ici au 2040 il aura autant de robots que d’êtres humains, même plus de robots ». Il en rêve.
OpenAI aussi expérimente l'humanoïde Neo en partenariat avec la start-up norvégienne 1X.
Et FigureAI, la start-up américaine qui produit l'humanoïde Figure01, a obtenu 675 millions de dollars de la part de 18 investisseurs, dont OpenAI, Intel, Microsoft, Nvidia et Jeff Bezos. Entre les plus étonnants il y aussi le robot artiste-peintre Ai-Da, crée par A.I. God, et pour une fois avec un ’apparence de femme, qui a peint un portrait de Alan Turing vendu aux enchères par Sotheby en novembre pour 1,1 million de dollars !
Une nouvelle génération d'humanoïdes « intelligents » donc se prépare. Avec des capacités surprenantes. Il faut se demander si l’Europe, la France et l'Italie (qui se classe au 6ème rang mondial dans l'adoption de la robotique industrielle), seront-t-elles en mesure de trouver la place qui leur est due ? En sachant qu’ils ne manquent certainement pas de ressources dans le domaine de la robotique cognitive et de l’IA…